Auteur: Queen
Marque: Virgin
Genre: ROCK/INTERNATIONAL
Date de sortie: 31-08-2016
Détails: Critique Enregistré alors que Freddie Mercury était déjà diminué par le SIDA, Innuendo, dernier album de Queen publié de son vivant, est marqué par une forte charge émotionnelle. Si le groupe ne se départit pas d’une habituelle légèreté, le disque est tout de même empreint d’une tonalité globalement plus dramatique et introspective. Sans doute cet ultime album est-il donc celui qui dit le plus combien Freddie Mercury s’est offert à la musique et au spectacle – peut-être pour y noyer ses angoisses, qui percent çà et là dans sa musique et ses paroles, et les y sublimer. De façon troublante, c’est au seuil de la mort de son chanteur que Queen a livré l’album qui le résume tout entier : un groupe capable de morceaux fantastiques et imprévisibles, comme des pires niaiseries. Il est une phrase d’Arthur Rimbaud qui résumerait tout à la fois Innuendo, Freddie Mercury et Queen : « Nous savons donner notre vie tout entière tous les jours » (« Matinée d’ivresse », in Illuminations). Car Queen est un grand cirque, un spectacle permanent, et Freddie Mercury en est l’animateur, le jongleur (que symbolise la pochette), le grand clown et le chef de troupe. L’album démarre, d’ailleurs, avec un roulement de tambour, comme annonçant le début du spectacle. Tel ce maharadjah qui, apprenant sa ruine imminente, donna une fête fastueuse, Queen au seuil de la mort veut allumer ses dernières fusées. Et c’est un fantastique morceau épique de près de 6mn30 qui ouvre l’album : « Innuendo ». Si la section rythmique – et parfois la guitare – rappelle(nt) un peu « Kashmir » de Led Zeppelin, le morceau s’inscrit surtout dans la droite lignée de « Bohemian Rhapsody ». C’est très justement qu’ « Innuendo » donne son titre à l’album, car il le contient tout entier en germe. Surprenant et jubilatoire, ce morceau d’ouverture oscille entre froideur dramatique et fièvre délirante, entre superbes parties de guitare de Brian May, des chœurs, un chant et une ambiance solennels… le tout ponctué par un splendide passage de guitare flamenca (joué par Steve Howe, de Yes) : du jamais vu chez Queen ! Un chef-d’œuvre baroco-progressif, qui sera le premier single extrait de l’album et qui se classera, très logiquement, premier au Royaume-Uni et deviendra disque d’or. Si « I’m Going Slightly Mad » a des accents dramatiques, notamment avec ses froides nappes de clavier, il montre encore le parti de l’humour plutôt que celui des larmes. Le clip comme les paroles, gentiment surréalistes, va dans ce sens : Freddie Mercury effroyablement amaigri par la maladie et souffrant y joue un personnage délirant. Jusqu’à la fin de l’album, le groupe souffle le chaud et le froid, entre pop et rock. Tout n’est pas convaincant : le single pop rock « Headlong » ou « All God’s People » peinent à convaincre, « I Can’t Live With You » est un peu neuneu, « Ride The Wild Wind » pourrait être bon avec son rythme très dynamique (un peu le même qu’ « Headlong ») s’il n’était entaché de ridicules samples de voitures de courses. Enfin, avec « Delilah » (chanson d’amour de Freddie Mercury dédiée à… son chat !), on atteint le kitsch lorsque les membres du groupes se prennent à miauler (ainsi que la guitare de Brian May, chose autrement plus fascinante). Mais ces quelques kitscheries et/ou titres en demi-teinte, n’altèrent pas l’album, par ailleurs constitué de superbes morceaux. « Don’t Try So Hard », par exemple, est un beau slow mélancolique, soutenu par de délicates nappes de synthé. Quant à « Hitman », le morceau le plus lourd de l’album, emmené par un riff heavy metal, c’est un bon morceau, dans la lignée de « I Want It All » ou « Hammer To Fall ». Surtout, çà et là, Innuendo apparaît comme un adieu et un message d’amour et de reconnaissance, adressés aux fans. « These are the days of our lives » développe une ambiance languide et dolente, aux percussions feutrées. Freddie Mercury y porte un regard rétrospectif et nostalgique sur son enfance, et lâche : « The rest of my life’s been just a show ». Après des intonations douces-amères, la chanson s’achève dans une quiétude retrouvée et le chanteur fait ses adieux aux fans : « Those were the days of our lives / The bad things in life were so few / Those days are all gone now but one thing is true : / When I look and I find, I still love you. » Tout en finesse et en pudeur, le morceau est l’un des plus beaux de l’album. Il recevra même le British Award du meilleur single de l’année 1991. Le déchirant « Bijou », titre quasi-instrumental, est l’occasion d’une superbe démonstration de lyrisme du guitariste Brian May, sur fond de nappes de synthé. C’est enfin l’immense «The Show Must Go On » qui conclut Innuendo dans une effusion lyrique et dramatique. Brisé par la maladie, Freddie Mercury y chante d’une voix poignante : « Inside my heart is breaking / My make-up may be flaking / But my smile still stays on ». Toujours la métaphore du clown, de l’homme qui a voué son destin au spectacle – et désire ardemment que le spectacle lui survive. Alors qu’il savait sa fin proche, Freddie Mercury n’a aucunement cherché à délivrer un quelconque message ni crié sa détresse ou sa peur de la mort. Avec une dignité bouleversante, avec la force de rire encore et de prolonger le spectacle – qui était sa raison de vivre – jusqu’à ses dernières limites, il a offert à Queen l’un de ses albums les plus émouvants, sinon l’un des plus réussis. Innuendo est enfin et surtout la célébration absolue du « showman » et de l’« entertainer », voué tout entier au public, comme par un sacerdoce, jusqu’à la mort. « Ma vie a été un spectacle, dont je vous offre les ultimes fusées avant l’adieu. Puisse-t-il se prolonger » : voilà la signification d’ Innuendo. Guillaume Mougel – Copyright 2019 Music Story
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